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L'autre jour J: la France marque 75 ans de son propre débarquement de la Seconde Guerre mondiale

Par Roger Viret , le octobre 13, 2019 - 6 minutes de lecture

PARIS (AFP) - C’est le jour J le moins connu, celui qui a été lancé deux mois après le débarquement de la Normandie de l’autre côté de la France, les forces françaises jouant cette fois un rôle de premier plan.

Le 15 août 1944, des milliers de soldats français débarquèrent chez eux pour la première fois depuis des années alors que les forces alliées organisaient un assaut ambitieux sur les plages de la Méditerranée, participant directement à la lutte visant à libérer l'Europe de l'emprise de l'Allemagne nazie.

En plus d'accélérer la retraite allemande, ce deuxième débarquement était extrêmement symbolique pour une nation française désireuse de souligner son rôle dans sa propre libération.

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Quelques semaines plus tôt, seuls quelques soldats français avaient pris part au débarquement en Normandie. Le général Charles de Gaulle avait snobé l'opération après avoir été largement exclu de sa planification.

L’offensive méditerranéenne comprenait les vestiges des forces libres de la France, notamment des dizaines de milliers de soldats de ses colonies africaines, dont la contribution restait peu connue et encore moins célébrée pendant des décennies après la guerre.

«Sur le plan politique, les débarquements ont eu une importance vitale, en particulier pour De Gaulle: il peut dire que les troupes françaises ont libéré la France», a déclaré Florimond Calendini, directeur du mémorial national du débarquement en Méditerranée à Toulon.

"Après la défaite humiliante de 1940, voir un territoire national libre de l'armée française montrait au monde entier que la France avait la capacité de combattre avec une armée établie", a-t-il déclaré.

Mais la mémoire collective de Operation Dragoon, nom de code du débarquement, s'est estompée au fil des décennies, éclipsée par l'héritage normand.

Des ballons de barrage flottent au-dessus d'une ligne de navires de débarquement de la Seconde Guerre mondiale. Des chars sont chargés de véhicules et de fournitures dans un port du sud de l'Italie en ce 15 août 1944, photo en préparation de l'opération Dragoon dans le sud de la Côte d'Azur.

"De nombreux Français ignorent tout du débarquement en Provence", a déclaré Calendini.

"La publicité donnée aux débarquements en Normandie est énorme, car derrière elle se cache tout le pouvoir doux de l'Amérique, avec les films qui sont devenus célèbres dans le monde entier."

Le président Emmanuel Macron dirigera les commémorations marquant le 75e anniversaire du débarquement des Dragons jeudi au cimetière national de Boulouris à Saint-Raphaël, site de l'une des plages, où 464 soldats tués au cours de l'opération sont enterrés.

Ses homologues ivoirien et guinéen, Alassane Ouattara et Alpha Condé, ont été invités à assister à la réunion, en reconnaissance du rôle crucial joué par les forces africaines.

"Nancy a le cou raide"

Quelque 450 000 soldats alliés utilisant plus de 2 000 navires ont pris part à l'opération Dragoon, dont 250 000 combattants français, le reste venant pour la plupart des États-Unis.

Les Français ont lancé l'assaut peu après minuit le 15 août en grattant les falaises rocheuses de Cap Negre, nommées d'après la couleur sombre de la roche.

Navires de débarquement des navires de la Seconde Guerre mondiale se profilant sous la longue gueule d'un pistolet sur un couteau de combat des garde-côtes en ce 15 août 1944, photo d'archives pendant l'opération Dragoon (AP Photo / File)

Les combattants de la résistance dans le sud du pays avaient été alertés de l'offensive imminente la nuit précédente lorsque la radio clandestine a envoyé une série de messages codés utilisant des phrases apparemment anodines telles que «Nancy a le cou raide».

Comme lors du débarquement en Normandie, les habitants joueraient un rôle clé dans le harcèlement des forces allemandes alors qu'ils se repliaient, aidant les soldats alliés à avancer plus rapidement que dans le nord.

Hitler a ordonné une retraite du sud de la France dès le 17 août, à l'exception des ports stratégiques de Toulon et de Marseille, mais ceux-ci sont tombés dans les 10 jours.

«En moins de deux semaines, toute la Provence était libérée. Ce fut une énorme surprise pour les Alliés », a déclaré Calendini.

Le 12 septembre, les forces du Dragoon avaient rencontré les soldats venant de Normandie, permettant ainsi aux Alliés de consolider leurs forces avant l'offensive finale visant à arracher la France à ses occupants allemands.

Héritage négligé

À l’époque, l’armée française B comptait près de 600 000 hommes, dont les deux tiers provenaient de garnisons africaines situées dans des pays encore sous domination coloniale française.

La force comprenait environ 233 000 «musulmans», comme on les appelait à l'époque - comprenant des bataillons marocains et des sections d'infanterie algériennes, ainsi que des combattants du Sénégal et d'autres colonies d'Afrique de l'Ouest.

Il y avait également des marsouins (recrues) originaires de territoires français dans le Pacifique ou les Caraïbes.

Photo prise le 28 août 1944: des femmes soldats françaises débarquent à Marseille pendant l'opération Dragoon (AFP)

«Sans son empire, la France n'aurait été qu'un pays libéré. Grâce à son empire, la France est un pays victorieux », a déclaré peu après la fin de la guerre, Gaston Monnerville, un député d'outre-mer originaire de la Guyane française.

Les troupes africaines en particulier ont payé un lourd tribut: 55 000 personnes ont été tuées au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Pourtant, pendant des années, la plupart des Français ont largement négligé leurs sacrifices et, en 1959, le gouvernement a aggravé les torts causés par l'injure en plafonnant leurs pensions militaires au moment de l'indépendance des pays africains.

La France a finalement accepté en 2002 d’augmenter les paiements pour compenser en partie le pouvoir de dépense perdu des anciens combattants au cours des décennies suivantes, bien qu’il soit encore bien inférieur à celui des anciens soldats français.

La pression a continué de croître jusqu'à ce que le président Nicolas Sarkozy annonce en 2010 que les pensions seraient les mêmes pour tous ses anciens combattants, quels que soient leur nationalité et leur lieu de résidence.


Roger Viret